« Ode aux affiches de théâtre moches ». Un titre un brin provocateur.
Le 17 octobre dernier, le Figaro publiait “Pourquoi les affiches de théâtre sont-elles si laides”, un article de plus à mettre au débit d’un métier que nous sommes encore quelques irréductibles à exercer, pour le meilleur et pour le pire.

Si le sujet n’est pas nouveau, l’entrée en matière est la moins drôle, la plus sévère, la plus blessante du lot. Au bénéfice du doute, supposons qu’il s’agit d’une accroche maladroite destinée à inciter à la lecture. Le reste de l’article est mieux argumenté, encore faut-il compter parmi les abonnés. Toutefois, notre sang ne fit qu’un tour. Messieurs les journalistes, si vous êtes en manque de sujets, le lecteur lambda du Figaro n’a que faire d’une demi-page sur des affiches dont il se fiche ; allez plutôt voir les pièces et foutez-nous la paix.

Se rehausser en critiquant plus faible que soi, une histoire vieille comme le monde.

Taper sur les graphistes de théâtre c’est facile. Ça fait genre “on a de la culture, nous”. Ça balance les noms des affichistes d’un autre siècle parce que, forcément, si on fait des affiches moches c’est parce qu’on n’a pas de culture. Pauvres d’esprits que nous sommes…

Oui, taper sur les graphistes de théâtre c’est un peu comme se moquer du bègue ou du petit gros planqué au fond de la classe. Celui qui n’a rien demandé à personne et ne rentre pas dans les critères de mode. Cet élève-là n’a jamais prétendu défiler sur le podium, mais il fait son boulot sans rien demander à personne. Il existe que vous le vouliez ou non et représente bien son époque. Par ailleurs, cet élève, on est bien content de le trouver pour lui demander des petits services parce qu’il est cool, pas bégueule et débrouillard. Il n’a pas eu le choix.

Il en va de même pour les graphistes de théâtre. Pour notre part, nous ne nous sommes jamais, jamais considérés comme des artistes. S’il fallait nous donner un nom, je dirais que nous sommes plutôt des “techniciens de l’affiche”. C’est fou ce qu’on arrive à faire avec… presque rien.

En attendant, les affiches de théâtre font vivre beaucoup de petites mains : photographes, infographistes, freelance ou non, retoucheurs, imprimeurs, manutentionnaires, afficheurs… ainsi qu’une légion de créateurs anonymes ayant, parfois parce qu’ils n’ont plus d’autres choix, déposé leurs productions en banques images, seuls moyens de se faire rémunérer à une époque où, croit-on, savoir appuyer un bouton est synonyme de gratuité (mais c’est un autre sujet). Rien que pour cela, Ô affiches de théâtre, moches ou non c’est éminemment subjectif, les petites mains vous remercient.

Image d’illustration choisie arbitrairement par le Figaro. Soit deux spectacles ayant aligné 10 saisons et le succès comédie de la saison 2019/2020… Voilà, voilà, on dit ça en passant.

Le coût, le goût et les couleurs des affiches de théâtre, ça s’est déjà discuté :

Comme dans la mode, il y a la haute couture, réservée à une élite et le prêt-à-porter. Et rares sont les théâtres à oser innover. Nous, nous sommes là pour répondre à une demande à la hauteur des moyens que l’on nous donne. Nous prodiguons des conseils et préconisons des directions, certes, mais au final, nous ne décidons rien. Tant pis, c’est ainsi.

Sur Internet, le sujet est un vrai marronnier. Nous avons regroupé ici les articles afin que vous n’ayez pas à les chercher :

Le plus caustique :

Les Affiches De Cinéma Faites Par des Graphistes de Théâtre
Par le dessinateur Boulet et quelques complices de la BD. On aurait pu mal le prendre, mais non. Il faut avouer que c’est gratiné, mais cela nous a fait beaucoup rire. Et c’est très exagéré… 😉

Le plus malin :

N’te fiche plus des affiches
Par aubalcon.fr : un blog de passionnés de théâtre ça se défend. On ne leur en veut pas non plus. C’est bien écrit, documenté, sévère, mais juste et au titre tendre, avec quelques conseils pour “redresser la barre”.

Le plus constructif : 

Depuis que le marketing s’en mêle, ce métier a changé
Interview de Stéphane Trapier, graphiste pour le Théâtre du Rond Point dans le Figaro. Comme quoi le même auteur sait fournir des articles plus intelligents. Dommage c’est aussi pour les abonnés.

Le plus synthétique : 

Pourquoi les affiches de théâtre sont-elles systématiquement très moches. 
Par 20 minutes, pour les usagers du métro, le contexte s’y prête. C’était déjà agaçant mais ce n’était pas 1/2 page dans le Figaro.

Le plus drôle :

Mon client est un graphiste
Par graphéine. Du vécu de graphistes, tous secteurs confondus. Donc pourquoi s’acharner sur les affiches de théâtre nom d’un chien !

Tendance ou ringarde cette affiche ?

Cliquez sur le visuel, et répondez de nouveau à la question.

L’affiche de théâtre, un genre à part entière ?

En conclusion, qui sommes-nous pour juger de l’esthétisme d’une réalisation graphique ? Ne serait-ce pas prétentieux ? A force de critiquer les affiches de théâtre, ne leur imprimerait-on pas une véritable image de marque ? Un nouveau genre ne serait-il pas en train de naître ? De même que l’Art contemporain, fort critiqué à ses début, peut-être l’affiche de théâtre et son évolution à travers les âges méritera-t-elle un jour sa place dans les programmes de lycées ? On peut rêver.

Jugée moche ou non, chaque affiche de théâtre a sa propre histoire et parle de son époque.
Alors messieurs les journalistes : n’y a-t-il pas là meilleur angle à traiter ?